Les deux arbres
Fustel de Coulanges avait raison
D’écraser d’un coup de talonnade
Le dernier mégot de l’allée des Minimes.
Là,
Pommelaient les fruits de l’attente
Le cortège des errants
Mêlant à tout venant
Le sourire de l’enfant
Au souvenir de la guerre
Cette garce révélée
Par hourras de joie d’après victoire
Parcourant plaines et vallons
Loin loin très loin
Des boat peoples de la veille.
Joie primesautière
Sautant par-dessus la rivière
À découper le temps
De phrases coquelettes
Aux yeux irisés
À la pupille jaune et rectangulaire
Sortant de l’ombre
Comme les gémissements des wagons plombés
En pleine voie
Écumant les prémisses de la vie à venir
Par jets de vapeur saccadés
De clairière en clairière
Herbes roussies par les étincelles de la machine
Cambrant une dernière fois
Leurs houppes dégarnies
À même le gargouillis hirsute des roues sur le rail.
Ils étaient des milliers
Les déboutés de liberté
À participer au sacre de la navrance
Pain quotidien d’une pulsation alvéolaire
Apte à recueillir dans l’infusion des limbes
La part masquée de spasmes singuliers
Du signe propitiatoire de la cruelle évidence.
Il sera temps
De desceller la pierre
Pour atteindre le verre brisé des lunettes
Abandonnées par vent mauvais
Au détour d’une route
Menant aux deux arbres de la souffrance
Mêlant troncs et branches
Au travers de l’étroite lucarne
Proposant d’une main maladroite
Les papiers froissés de l’oubli
Borie de pierres sèches
Disposée droite devant la béance du silence.
Les jours succèdent aux jours
L’enfant secouru tend sa joue
Au rugueux d’une main d’homme
Prêt au grand saut
D’avoir à ouvrir son cœur
Sans voir ni entendre
Ce qui se trame à la poterne
Comme pluie soudaine
Sur la peau nue aux poils tendus.
À la croisée des chemins
Il s’est arrêté
Ménageant ses pieds
Collés cloqués au cuir de la chaussure
Offert au hasard
D’un repos bienvenu
Le bourdon enchâssé dans un trou dela roche.
Pourquoi ces changements de directions
Pourquoi discorde étouffée
Avoir dévié
Avoir renié
La part des engagés
Pour se joignant à l’autre convoi
Prendre femme et enfants
Construire maison
Noircir l’âtre
Faire chanter le coq dans la cour
Jusqu’au bout du bout
Pour destruction survenue
Rebâtir à nouveau
La vision éternelle
Jusqu’à ce que noblesse vienne
Chargée de vieilles blessures
Pour déposer
Clé sur le coussin de brocard
À l’entrée du cloître des altérités
Promesse inouïe
Inaugurée la veille sous le tilleul bruissant d'abeilles rares.
Rester là
Cultiver la plante médicinale
Puis assis dans la stalle attitrée
Mêler paroles et pensées
Au soudain éveil de l’âme
Sous le dôme élevé
De l’autel aux sept épis de blé.
En lisière
Là où les chasseurs s’allongent
Demeuraient les restes
D’os et de hardes en charpie
Contre le socle de la croix des pendus.
Hommes de bien levons-nous
Gagnons le ruisseau murmurant
Aux rives d’herbes grasses
Pour planter les tepees
Surmontés de l’outre de chèvre
Repère à qui saura de l’Alliance
Être le chantre ultime des voix de nos ancêtres
Étoiles filant droite
Dans la ruelle des outrages
Repoussant le bois mort
De chaque côté de la trace
Sans trébucher sur la racine
À écarter les broussailles accumulées
Dernier passage du troupeau
Mêlant, bêlant, raclant les cailloux de la draille
Sans que nuages s’en mêlent
Au ciel numineux
Traversé de part en part
Du levant au couchant
Par la présence des mégalithes
Fichés sous le grisollement des alouettes
Semant de fins baisers d’osier
L’air huilé de la contemplation.
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