Les trois sœurs
Quand je lisais « la manu » d’avant-guerre
Il y avait des bicyclettes, des fusils
Des instruments de cuisine, des articles de jardin
Et même des vêtements dessinés en taille douce
Sur les feuilles racornies et jaunies.
Au loin les monts du Cantal
Par-dessus les frênes du Pradou
De l’autre côté du jardin
La fontaine aux belles dalles
Et ce pré de descente en vélo vers l’abreuvoir.
Il y avait là, les trois sœurs
Devant la clide près de la gargote
À parader sur les biclous sortis de l’écurie
Fernande, Jeanne et Renée
Drivées par Gérard, Claude et Georges.
La route n’était pas encore goudronnée
Les flaques d’eau laissaient libre court à la patauge
Le tertre était raide
Une alouette parfois tirlipotait
Dans la ruine des Matillou.
Les poules gloussaient librement dans la cour
Leurs crottes collantes nécessitaient
De frotter les chaussures sur les pierres de l’entrée
Augurant quelques remarques parentales
Quand les rires débordaient la vigilance.
Vaisselle faite sous l’ampoule unique de la salle
Il fallait jeter l’eau souillée
Le plus loin possible sans se mouiller les pieds
D’un geste ample de semeur
Faisant se courber orties et framboisiers.
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