L'amour c'est la relation
L'amour c'est la relation ; et la relation la fin du discours fermé, celui où le "je" ne laisse pas de place au "tu", ne laisse pas de place à l'autre .
Certaines personnes parlent en donnant l'impression qu'elles parlent toutes seules . Elles posent des questions mais ne prennent pas le temps d'écouter les réponses . Elles parlent sans arrêt mais ont en réalité arrêté toute vraie communication avec leur interlocuteur . Le discours devient un fond sonore qui fait écran à l'essentiel : il n'a pas pour but de connaître l'autre ni de se faire connaître de lui . Au contraire le discours discourant permet de ne pas se dévoiler, de ne pas prendre le risque de la rencontre . Le débit de paroles sans retenue crée une distance ; il interdit le silence, évitant ainsi la réflexion et le partage . Parle-moi de toi mais je ne veux rien savoir de toi !
L'on peut demander l'avis de l'autre et en même temps ne pas vouloir entendre ce qu'il dit . Toute parole de l'autre peut être interprêtée comme potentiellement dangereuse, elle dérange et peut être vécue comme intrusive . Elle pourrait réveiller les blessures mal cicatrisées du passé qui s'en trouveraient alors ravivées. Et si la parole de l'autre est critique, elle dérange l'idée que l'on se fait de soi et dérange l'idée que l'on se fait de l'autre . L'on peut ainsi perdre cette image idéale rassurante qui semblait nous protéger et nous structurer alors que bien banalement l'idéalisation nous empêche d'accueillir la nouveauté .
Ceux qui se mettent en avant et n'arrêtent pas de parler veulent éviter la confrontation ; ils ont peur d'entendre des mots qui iraient dans le sens du non-amour .
Qui a peur de n'être pas aimé ne se laisse pas aimer . Dans le face-à-face, être deux est confrontant ; c'est l'affirmation de deux vérités et non pas la soumission de l'une aux dépens de l'autre . Il faut parfois faire un long chemin de conscience pour analyser le sens littéral de "contre lui, ou elle" , expression vécue dans les sens de proximité ou d'opposition ; ces deux termes contradictoires dérivant de l'attitude ambivallente de la rencontre amoureuse . Pour savoir dire "oui" il faut aussi savoir dire "non" ; conditions nécessaires pour être "tout contre" .
Même si nous croyons rencontrer qui nous ressemble, chacun de nous est unique ; l'autre ne peut pas par conséquent penser comme nous, vivre comme nous, avoir les mêmes besoins, aimer comme nous . Et comment se rendre compte de ce qui est différent entre nous si nous ne nous donnons pas les moyens de nous exprimer : sans agressivité ni violence, mais avec douceur et respect, et en prenant le temps de s'écouter .
La rencontre amoureuse c'est avoir aussi la possibilité de s'éloigner de son passé, de sortir de son imaginaire familial, de sortir d'une histoire qui n'est déjà plus la nôtre .
C'est être en demeure d'entrer dans un autre imaginaire que l'on construit ensemble avec l'autre . C'est se donner l'opportunité de "grandir en soi" . C'est être libre et être corrélativement en contact avec la source mystérieuse qui nous fait nous rencontrer .
C'est accomplir "l'extrême naissance" ; c'est mettre le sentiment unitaire qui sourdement nous anime, en demeure d'être réalisé dans la lumière de l'altérité et peut-être de la complémentarité .
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