La poésie en sourdine
La poésie cabre les mots
Elle
L'écheveau multicolore
Déchiré par sa propre énigme
Elle fleurit et se tait
Elle ondule
Rouleaux d'écume
Elle s'amuse ruse abuse
Elle fuse
Elle ricoche
Elle ricane
Elle rit jaune
Sans se renier
Elle ouvre
Elle offre
Elle ne saurait se soumettre à l'ordre établi
Elle batifole
Elle encarte par sa fragilité
Le clair-obscur des oeillades thuriféraires
Son organisation est implacable
Elle est liberté
Elle repère
Elle ponctue
Elle s'accroupit devant le tout petit
Elle lévite par-delà les convenances
Elle ne saurait se satisfaire de la courbure du temps
Elle dégringole de l'échelle
L'éternité des commencements
Elle coiffe d'une mitre papale l'enfant des rues
A gorge déployée elle se rit des nuances
Elle contient les trolls et les farfadets
Elle érige les calvaires d'une caresse de plume
Elle incarne à mi-mots
Le méli-mélo quotidien
Elle est flamme jaillie du froissement du crêpon
Elle est silence
Et puis
Là
Patatras
Elle est fourmi
A rendre besogneuse la réalité
Elle est cigale
Par son aptitude à s'émerveiller
Du soucis du lendemain
Par grand vent
Les cheveux déliés
Elle est piste sableuse en bord de mer
sur un vélo bringuebalant
Elle se construit le long du chemin
En errance d'être
Elle l'herbe folle des no man's lands
L'aclamée du bourgeon au printemps
En bord de route
Elle accueille les déchets
Elle recycle les plastiques
Du brame gutural de ses tuyaux
Elle orgue le cervidé aux bois de roy
Elle est musique
Et si la nuit la surprend
Elle devient vers luisant dans la coquille d'oeuf
Elle aboutit aux points de suspension de fin de vie
Elle fluidifie le grumeau des regrets
Elle qui de fleurs vêtue
Encombrait les greniers de ses émotions
Devient sourire
Dans la lumière d'un jour ultime
Elle craque et rebondit
A la fois regard et vécu
Perchée sur l'arbre maître
A guetter les traces de vie
Sous la mousse
Elle est écureuil
Vive et contemplative
Devant l'écueil des amandes sèches
Elle est passage obligé
De l'avant de l'après
Hors des ombrages sécuritaires
Exposée à l'ivresse caniculaire
Des cavalcades visionnaires
Elle est neige au soleil
Envergure brune aux ailes de géant
Elle raye d'un cri inouï
Le cristal infernal
Des mélopées hors d'âge
Elle modèle
De ses caresses arbustives
Les traits du visage de l'aïeule
Elle lève le rideau de sève
Par dessus les brumes matinales
Il est des rencontres
Sous le varech apporté par la marée
Où le fumet des décompositions prospère
Du germe au renouveau
La clameur de la foule vers la solitude
Et la chose dernière vers le mystère
Elle fût et sera
Ma femme reconnue
Mon chantre des nuits évaporées
Ma distance
Mon manquement
D'entre le tépied des dieux
A creuser le déraison
En sourdine d'âme
Alors déposée
Crûe sous l'ombre d'un soleil exangue
Mon front ceint des dernières sueurs
palme sera la poésie du retour à l'esprit
De mes doigts gourds
J'écarterais la terre
Un insecte montera sur l'ongle
Agile et inquiet .
Ce sera le matin .
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