Un mardi en Lozère
Le coucou seul
par intervalles
l'avion Latécoère passe
puis le silence
les hêtres
aux troncs tâchetés
que caressent les feuilles
une mouche dans l'habitacle bousille
et se pose sur ma main
un vent léger se lève
lumière et ombre sous les feuillages
le chemin oblique sur la gauche là devant
le chemin et sa crête d'herbes en son milieu.
Conscience de ce qui vit en soi
la respiration
le poids de sesjambes
de ses avants bras
de sa tête sur le cou
de son assise
cette salive dans la bouche.
Un papillon traverse un rai de lumière
le soleil revient accentuer
les contrastes sous les arbres.
Je calme le mental
ferme les yeux
et me centre sur la respiration.
Après quelques instants d'immobilité
être prêt à recevoir ce qui vient
ce qui est
un vent frais sur la peau nue
la caresse des anges
ce qui est autour de moi
hors les formes des objets
cette ambiance vide
et pleine
de ce qui m'occupe
de ce qui me conjugue.
Je ressens mon organisation d'atomes
et je vis
j'exerce mes sens
et me baigne dans ce qui coule
entre les objets répertoriés
inscrits en mémoire
et occupent tout le champ
alors qu'entre ces objets il y a TOI
le très mystérieux.
Ma perception est prête
elle est appareillée
pour voir sentir entendre goûter
ce que j'ai déjà entendu vu ressenti et goûter
ça se confirme
mais le ça est aussi moi
un moi libre
qui voit entend sent et goûte
ce qui n'est pas moi.
Ma main ne touche pas que le connu
elle n'est ps que pour moi
mon cerveau la guide
et ses automatismes sont des réminiscences
de ce que j'ai expérimenté
dans le passé.
Nuitamment
alors qu'il fait jour
une petite pluie picore le feuillage
et cela s'accentue
j'assiste au concert picoti picota
suivi de grosses gouttes
sur le toit du véhicule
des véhicules passent
ils soulèvent la poussière du chemin
des odeurs de terre mouillée montent
un temps sans temps s'établit
le frisson continu des hêtres
propulse le solo des grosses gouttes
une goutte sur une feuille
elle oscille
puis rapidement revient à son bougé vivant
à sa danse dans le vent.
Une branchette et ses feuilles me parlent
dans l'ambrasure de la porte
tout bouge
si finement
tout vit
les gouttes qui frappent le toit
sont des sphères d'eau d'air et de lumière
qui me nourrissent
oreille et cerveau en sympathie
dess filets d'eau se forment sur le pare brise.
Je suis ce que j'entends
cela s'accélère
des oiseaux chantent tout de même
en fond d'orchestre
je me consume
le coucou reprend son coucou
je suis suspendu
je ne touche plus terre
cela ralentit
une légère sensation de fraîcheur me saisit.
Avons-nous tous les mêmes sensations
je rêvasse sur le bruit de l'avion latécoère
les mille doigts qui tambourinent sur la tôle
me pénètrent
je suis la pluie le bruit et ce que j'écris.
Les gouttes s'espacent
les hêtres bien présents
derrière le muret de pierres
les feuilles sèches n'ont pas bronché
dans leur immobilité
recroquevillées.
Le coucou tout au loin
les chants d'oiseaux
prennent le relais des gouttes d'eau
un silence revient
je retiens mon souffle.
Une symphonie
je vis une symphonie
je suis la symphonie
même quand les sons ne sont plus.
Une mouche bousille.
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