À Frugères . 1
Dans sa blouse grise des années cinquante
à fines rayures et boutons rouges
elle montait la côte
qui reliait les hameaux du Bas et du Haut.
Et la vie était belle
simple et belle
au passage du transformateur électrique
un bonheur en appelait un autre.
Nous faisions le trajet
avec le troupeau
avec la panière de linge humide dans la brouette
seul ou avec elle.
Rien n'y changeait
fors l'honneur
comme disaient les gens bien pensants
dont les souliers semblaient éviter la poussière.
Elle s'appelait Françoise
je l'appelais Framboise
et ses yeux noirs cognaient mon front
à la racine des cheveux.
Par le chemin vers Lacombe
il y avait le monde aux têtes de chardon
le bois de Laroussière
où le vent soufflait frais parfois.
J'ai rêvé que le village s'envolait
par dessus les champs ondoyants
vers le ciel immense des dorures de l'esprit
sans qu'un mauvais caillou nous fasse trébûcher.
Il y avait là les ancêtres
dans leurs habits du dimanche
à lisser leurs moustaches
et épousseter le bas de leurs robes.
Des chiens au loin
croisaient leurs signatures sonores
et l'écho embrouillait le tout
avec les aigüs des oiseaux de la haie.
J'ai écarté les doigts
devant mes yeux
pour percevoir les gens qui nous veulent du bien
aux fins d'un étreinte harmonieuse.
L'on ne donnait pas, on ne recevait rien
tout était là
avec la possibilité de s'engendrer soi-même
et de renaître en cycle fermé.
Le plein de la fontaine
les arbres tisonnant l'orage qui approchait
la mécanique sans poulie ni courroie
tout était en place.
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