Que me dis-tu Grand Chat
Que me dis-tu Grand Chat
Que je te salue bel homme du premier étage
Qu'il y a de l'amitié entre nous
Que le pépiement des moineaux me fait lever l'oreille
Que la neige a fondu
Que l'aménagement du jardin a changé
Que le camion poubelle est bien passé ce matin
Que tu me regardes avec davantage de profondeur
Que je redoute de venir te voir tant la rue à traverser est dangereuse
Que la fenêtre du trapillou est encore fermée
Que j'aime faire mes griffes sur l'amandier
Que les volets de la voisine sont encore fermés
Qu'il faut penser à acheter des croquettes
Que les dalles de la terrasse sont froides
Que les premiers perce-neiges vont venir
Que je n'ai pas encore croisé les écureuils
Que le cabanon n'est pas ouvert
Pourquoi les lauriers roses sont encore emmaillotés
Que je viens d'apercevoir les premiers bourgeons des noisetiers
Qu'il y a toujours des hélicoptères dans le ciel
Que j'aime m'étirer au soleil
Que la terre fraîche sous le merisier est parfaite pour mes besoins
Que j'ai croisé un blaireau cette nuit
Que la famille des hérissons saute d'un jardin l'autre
Qu'un vol d'oies bernaches a traversé le ciel
Que les pâquerettes tardent à sortir
Que le chat en céramique est là sous la glycine
Que le coq rouillé monte la garde du compost.
Puis, retournement effectué, Grand Chat s'est enquis
De purifier mon regard
De favoriser mes retrouvailles avec l'âme de l'enfant
D'atténuer ma timidité chronique
De laisser mon rire déflagrer
De recueillir du bout des lèvres la rosée du matin
De rassembler les atomes errants de mon être
De m'essayer au chant choral
D'esquisser quelques postures de Qi Qong
De devenir arbre en face de l'arbre
D'avoir confiance en l'intuition
De me confronter aux deux tyrans que sont l'espace et le temps
De planter des fleurs
De rayonner quand l'intime est à son dénuement
D'aimer ce qui n'est pas moi
D'être sur le chemin de halage du grand fleuve de l'Esprit
De bifurquer quand l'harmonie se présente
D'avoir le cœur traversé par la douce joie
De maintenir le lierre sur le mur du fond
De faire silence quand l'après-midi s'avance
De s'émouvoir devant le parfum du tilleul
De faire un signe de tête quand je rencontre le voyageur
De lever le nez au tintement des cloches de l'église
De toucher de sa peau le destin qui se dérobe
De suivre de fiévreuse manière la Lumière jusqu'au pas de l'ombre
De chercher la bonne place pour faire la sieste
De soupirer devant la coupelle d'eau aux oiseaux
De me laisser approcher par le sculpteur de vie
D'offrir mon divin délire
À ce voleur de feu.
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